• Tome 3 Chapitre II #2

    « Dans quelques heures, je serai morte. Voilà, tout va s'arrêter dans ce lieu sinistre, pensa Chayma. Tout est fini, tout est fini... Je vais mourir dans ce trou à rats... Maman, Papa ! Je veux vous voir, je veux vous voir ! Je veux revenir à Loma. Je veux voir Mehdi et Élie. Élie, Élie... je vais mourir moi aussi. Est-ce qu'on se retrouvera quelque part ?... Je voulais revenir avec le remède, pour toi, et je ne peux plus. Je suis prisonnière de ce sale type... Il va me tuer... Je ne veux pas mourir. Je veux pas mourir... Élie, Élie, je t'avais promis... Petit frère, pardonne-moi... »

    Chayma laissa couler les larmes amères de son désespoir et serra très fort sa pierre lisse, couleur de la nuit. « C'est idiot, cette pierre... À cause de cette pierre... » Perdue dans ses pensées, elle sentit alors la Chrysalide palpiter dans sa paume. Des étincelles dorées s'échappèrent entre ses doigts. Comme un signe de réconfort inattendu. Ce phénomène lui donna la force de chercher, une nouvelle fois, une issue, un moyen de quitter ce lieu sinistre. Elle parcourut le couloir, flambeau à la main, et alla jusqu'à la lourde grille qui le tenait fermé : impossible de la franchir... Elle inspecta lentement et longuement tous les recoins dans l'espoir de trouver un trou dans lequel se faufiler. Mais il n'y avait aucune possibilité de s'évader. Désormais, qu'allait-il se passer ? Préférant ne penser à rien, elle alla se recoucher.

    _ … c'était phénoménal ! Les Chacals n'ont rien vu venir. Ton plan était génial.

    _ Je le savais... En tout cas, bravo les gars ! Vous avez agi comme de vaillants guerriers. Je suis content de vous. On a gagné une sacrée bataille.

    _ … et j'ai évité plusieurs grenailles ! Les projectiles sont passés à côté de ma tête...

    _ C'est dans de telles épreuves, qu'on voit les courageux. Les vrais ! Mais ce n'est pas fini... Une épreuve supplémentaire nous attend ici. Il ne faut surtout pas faiblir.

    _ Pas de problème. On est avec toi.

    Fursy et ses trois acolytes étaient revenus. Ils s'affairaient autour d'un sac posé au sol.

    _ Pourquoi est-ce que Chad est parti ? Il nous a laissé tomber après la réunion de ce matin.

    _ Ce gamin n'est qu'une mauviette, répondit Fursy. Il est resté trop longtemps chez les Fennecs pour être un vrai guerrier.

    _ À ta place, je ne lui ferais pas confiance.

    _ Il raconte n'importe quoi. Je crois qu'il a essayé de t'amadouer pour gagner quelque chose..., les chaussures du petit sauvage ! Quand il a eu ce qu'il voulait, il s'est échappé.

    _ Possible... De toute façon, Chad est un minus.

    _ Oui, mais tu voulais qu'il te donne des informations pour attaquer les Fennecs.

    _ Je me débrouillerai autrement... Depuis la dernière Joute d'Influence, j'ai reçu des soutiens de différents clans. Un réseau se constitue. Ils sont nombreux ceux qui ont compris que je suis un vrai leader. Je suis capable d'organiser une grande manifestation... Je veux diriger le réseau souterrain en constituant une équipe de caïds qui n'ont pas froid aux yeux. Des gars comme vous... Je vais mettre en place un business de grande ampleur, pas des minables négociations... Un système qui nous avantage vraiment !

    Fursy, qui était accroupi, se redressa et toisa sa troupe pour mesurer les effets produits par ses propos.

    _ Ça, c'est cool, fit un garçon impressionné.

    _ On va faire un trafic ensemble qui va nous placer haut, très haut... Nous aurons d'autres conditions de vie : une base bien aménagée, juste pour nous, des privilèges que vous n'avez jamais imaginés. Nous dominerons les autres clans et aussi les gens des Zones défavorisées. Et ça, ce n'est qu'un début ! Voilà à quoi je pense... Nous avons commencé par le plus difficile : écarter les clans qui nous font de l'ombre. Maintenant, nous devons trouver les moyens de nous imposer. Et... pour cela, j'ai besoin de la pierre qui est attachée autour du cou du petit sauvage. Il me faut cette pierre !

    _ Ce n'est pas difficile. Il suffit de la lui enlever.

    _ J'ai déjà essayé. Le cordon ne peux pas être coupé.

    _ Tu rigoles ? Rien de plus simple.

    Un Coyote se leva et alla droit vers Chayma. Il lui arracha l'écharpe. Il sortit un couteau de son gilet en cuir, attrapa le cordon dans un geste rapide et tenta de le trancher. Sa main s'arrêta brusquement, stoppée dans son élan par la résistance infaillible de la lanière.

    _ Mais ? Qu'est-ce..., grogna-t-il.

    _ Tu vois. Impossible ! commenta Fursy.

    Chayma avait reçu le coup sans rien dire.

    _ C'est incroyable ! grommela le Coyote qui s'acharnait sur la lanière avec son couteau. Aïe ! Je me suis taillé.

    _ N'insiste pas. Ce n'est pas la peine.

    _ Ben, alors, il faudra te passer de ce fichu caillou, répliqua le garçon en suçant son doigt blessé.

    _ Non. Sûrement pas ! Je veux cette pierre et je l'aurai. C'est une pierre rare, d'une grande valeur.

    _ Et... tu comptes t'y prendre comment ? demanda un autre Coyote.

    Fursy fouilla dans le sac et en sortit un paquet enveloppé dans plusieurs feuilles de papier. Il ôta l'emballage et exhiba une hache de belle taille, au tranchant inquiétant.

    _ Je vais couper la tête du gamin, fit-il froidement.

    _ Tu vas lui couper la tête ? reprit le garçon, interloqué.

    _ Il n'y a pas d'autre solution. Je cherche cette pierre depuis trop longtemps.

    Devant le visage surpris de ses trois acolytes, Fursy ajouta avec autorité :

    _ Vous êtes des Coyotes ou des mauviettes ? De toute façon, c'est moi qui m'en charge. Je vous demande seulement de tenir le gamin fermement quand je ferai...

    Affolée, Chayma tenta encore de s'échapper. Elle se mit à bouger doucement, à quatre pattes, pour se faufiler le long du mur. Mais elle n'alla pas loin. Un garçon l'attrapa par une jambe et la traîna jusqu'au matelas. Il lui asséna un coup de pied.

    _ Toi, tu bouges pas !

    La douleur obligea Chayma à se tenir recroquevillée, la tête enfoncée dans le matelas. Elle se cacha sous la couverture, ne voulant plus rien voir de ce complot épouvantable.

    _ Je... je peux pas, fit un des trois garçons.

    _ C'est moi qui agis. Je te demande juste de tenir le petit morveux.

    _ Je peux pas, redit le garçon.

    _ Ah, toi aussi, tu veux fuir ? … pas capable de vivre de grandes choses ?... voulais savoir si le bracelet était encore actif ... facile à vérifier !

    La tête sous la couverture, Chayma entendit un bruit de bagarre. Puis un cri de douleur.

    _ Eh bien voilà, on est fixés, fit la voix triomphante de Fursy. Le bracelet est de nouveau actif !

    _ Tu sais, pour moi, ça ne pose pas de problème, dit un garçon. Je suis d'accord pour tenir le gosse.

    _ Pour moi aussi, ça marche. C'est toi notre chef !

    _ Bien... Je savais que je pouvais vous faire confiance. Tant pis pour lui. Il s'en remettra !... On va boire un coup de crapulo pour nous donner du courage.

    Il y eut un silence long et lourd, rompu par les gémissements du garçon que Fursy avait blessé en faisant claquer son bracelet. Puis des bruits grossiers de déglutition suivirent, accompagnés de rots bruyants. La beuverie entre les trois Coyotes dura plusieurs minutes, ponctuée par des rires gras et bêtes, et s'acheva par l'explosion de la bouteille projetée contre un mur.

    _ Bon, on peut passer aux choses sérieuses, fit la voix malsaine de Fursy. En premier lieu, il faut couper les bras de ce fauteuil. Et ligoter le petit sauvage aux pieds et aux mains.

    _ Pas de problème, je coupe le fauteuil !

    Un mouvement subit s'installa dans l'espace sinistre. Les garçons passaient à l'action ! Chayma se recroquevilla un peu plus sous la couverture, la serrant très fort contre elle. Terrassée par la peur, son cœur battait à une vitesse folle. Elle sentit qu'on se saisissait d'elle brutalement. On lui arracha la couverture, on lui tira les cheveux, et elle dut se lever, recevant des coups de pieds. Aussitôt, des ficelles agressives vinrent entourer ses chevilles et ses poignets, les mains passées derrière le dos.

    Pendant ce temps, un garçon finissait de sectionner les accoudoirs du fauteuil.

    _ Ça y est ! fit-il satisfait. C'était facile.

    _ C'est bien, c'est bien..., grommela Fursy, la tête baissée.

    Le jeune chef Coyote avait tracé un cercle dans la poussière tout autour du fauteuil. Il marcha le long de cette ligne satanique, crachant à plusieurs reprises et marmonnant des mots incompréhensibles. Il exécutait un rituel incantatoire autour du siège du sacrifice. Celui qui tenait Chayma la poussa dans le cercle. Elle essaya de se débattre, mais le garçon était plus fort qu'elle et cette réaction ne fit qu'accroître la douleur aux endroits où elle était ligotée. Elle reçut une claque contre la tempe.

    _ N'essaie pas de t'échapper !

    Le garçon la bouscula pour qu'elle se mette à genoux et plaqua sa tête contre le siège du fauteuil. Il se baissa lui aussi, sur le côté, retenant Chayma par les cheveux. De l'autre côté, le deuxième Coyote bloquait ses pieds. Chayma put voir le troisième garçon, allongé au sol, qui grimaçait de douleur.

    _ Tout est prêt. On peut y aller, dit Fursy.

    Fursy se plaça face au fauteuil, la hache à la main. Il se pencha vers Chayma et dégagea le cordon. Il posa sa main sur son cou, doucement.

    _ Désolé, petit frère. Ta vie s'arrête ici.

    Chayma sentit une pression dure avant que Fursy n'enlève sa main. Elle aurait voulu crier, protester... mais sa gorge était nouée. Son corps douloureux, et tenu de toutes parts, avait peine à respirer. « Vite ! Vite, que ça finisse ! », pensa-t-elle épouvantée.

    La suite dans le tome 3 : "L'Eau de l'Alcarazas"...


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